La popularité grandissante pour le yoga est une chose merveilleuse. Sans parler de réelle spiritualité, je vois de plus en plus de personnes s'y intéresser et y découvrir bien-être et retour à soi. Certes, la société moderne a tendance à exagérer et pousser à l'extrême certains aspects du yoga pour les rendre attractifs, mais au bout du compte, si cela permet à des personnes très éloignées de cet univers d'en découvrir ne serait-ce qu'un centième, n'est-ce pas une bonne chose? (mais la sécurité dans les postures par exemple? J'y viens) Cette popularité grandissante continue d'accroître le nombre de formations de professeurs de yoga et c'est pourquoi la notion d'alignement a vu le jour.
L'alignement: qu'est-ce que c'est?
Dans un souci d'enseignement et de sécurité maximum générale, les grandes instances du yoga ont créé des standards, des formes types et des clés universelles pour faire travailler et enseigner chaque posture de yoga dans un sens bien précis. Cela facilite le travail du professeur qui doit donner ses instructions face à 25 élèves, rapidement et dans une sécurité maximum générale. Les alignements sont donc une des bases de l'enseignement des postures dans les "Teacher Training".
L'alignement: pour ou contre?
Ça y est: la fameuse question! "Les deux mon capitaine!" ou pour être plus précis: un peu d'alignement et beaucoup de nous. Toute posture possède évidemment une forme générale qui sera approximativement la même pour tous (sauf problème physique important). C'est pourquoi je considère l'alignement comme un guide, une direction plutôt que comme un but, une finalité. Chaque corps est unique: il fonctionne et a été conçu différemment, il possède sa propre histoire qui avec le temps lui a donné ses forces et ses faiblesses.
Les variations squelettiques et musculaires.
La science a fait un cadeau immense au yoga avec l'anatomie et la physiologie en ce qui concerne la pratique des asanas (nous parlerons dans un prochain article de physique quantique et de philosophie du yoga...). Nous avons de nos jours une meilleure perception des différences physiques subtiles internes qui peuvent exister d'une personne à l'autre. Je ne parle pas ici d'handicap, ni de petits problèmes, mais simplement de différences. Prenons ici un exemple: vous voyez ces personnes qui marchent plutôt les pieds "en dehors" et d'autres "en dedans"? Rien de gênant dans la vie de tous les jours. Seulement il est important de comprendre ici que ces deux personnes types ne seront pas à leur aise dans les mêmes postures, non pas par manque de pratique, mais par nature physiologique. Leurs squelettes sont différents. Leurs articulations sont différentes. Certaines attaches de leurs muscles sur leurs os sont différentes. Leur élasticité générale naturelle (différente de la souplesse acquise) est différente. Certaines personnes par exemple n'auront jamais le lotus pour des questions de natures de hanches ou de genoux, d'autres n'auront jamais les bras 100% tendus dans un chien tête en bas (deux articulations des épaules) ou encore les talons au sol (articulation de la cheville). Ce ne sont en aucun cas des problèmes physiques, mais simplement la façon dont sont faits nos corps.
L'alignement, dans l'enseignement d'un professeur, doit prendre en compte cette vérité pour devenir plus laxiste, car c'est en partie pour ça qu'il y a tant de blessures dans la pratique des postures.
Les quêtes personnelles.
Au fur et à mesure des pratiques, un équilibre se fait doucement entre l'esprit et le corps. Ce dernier devient moins réticent à laisser l'esprit tenter de nouvelles choses et à aller au-delà de sa zone de confort. Je dirais même plus: il devient curieux à son tour. Prenez le parti lors d'une de vos pratiques de vous laisser guider par lui. Vous serez surpris(e) de voir jusqu'où il est capable de vous emmener (avec bienveillance bien sur, mais j'y viens). Les quêtes personnelles sont pour moi les intentions que nous mettons dans chaque posture dans un but de travail à long terme. Il est tout à fait possible qu'une posture, selon la manière dont elle est abordée, possède plusieurs axes de travail. Ces intentions peuvent varier d'un jour à l'autre selon la disponibilité et la curiosité du corps.
Pour aller plus loin:
J'ai plublié sur les réseaux sociaux ces deux photos en demandant si quelque chose choquait. Il est vrai que la première est esthétiquement plus attractive, plus instagramable justement! Mais les deux sont absolument justes en fonction de l'intention mise dans la pose: - Pour ma pratique (c'est à dire par rapport à l'avancement actuel de mon propre corps), le chien tête en haut de la photo du haut m'aide à travailler la protraction des épaules, uddiyana bandha et très légèrement l'antéversion du bassin par le relâchement des ischio-jambiers.
- La seconde quant à elle est la version tête au sol du chien tête en bas Hatha Yoga. Mon intention ici est de sortir le coeur par ouverture des épaules. Le travail se fait donc au niveau scapulaire, mais si vous regardez attentivement mes jambes sur la seconde photo, vous vous rendrez compte qu'elles sont légèrement pliées comparativement à celles du haut. Conclusion: cette seconde posture me fait plus travailler la chaine postérieure des jambes que la première.
L'intention est donc primordiale dans la réalisation d'une posture, aussi simple soit elle. Je pratique régulièrement ces deux versions avec un plaisir propre à chacune. Il en est de même pour bon nombre de postures.
Les trois règles fondamentales du cours de yoga.
Mais alors comment fait-on lorsqu'on assiste à un cours de yoga collectif ou privé? Je réponds généralement à cette question par trois règles de conduite:
- Écouter son corps:
Toujours écouter ses sensations. J'ai pour habitude de poser à mes élèves la question suivante: "Est-ce que ça tire ou ça fait mal?" Elle peut paraitre anodine ou bête, mais cette question est parfois nécessaire avec l'élève trop obnubilé par la posture finale qui ne prête plus attention à ses limites, généralement par envie de bien faire. Il est très important de rester concentré sur nos propres sensations lors de nos pratiques. Au fur et à mesure du temps, nous apprendrons ainsi à connaître les subtilités de nos propres corps, leurs faiblesses mais également leurs atouts.
- Demander la permission:
Votre corps est un cadeau. Demandez-lui toujours la permission avant de tenter une nouvelle posture. Par "demander la permission", j'entends "allez-y doucement". Avec le temps et si c'est acceptable pour lui, il vous laissera progressivement l'atteindre. Le challenge est une bonne chose mais il doit être fait avec respect, conscience et intelligence.
- Respecter le professeur: Si vous faites le choix d'assister au cours d'un professeur, c'est que vous êtes curieux(se) de tester son approche et son discours. Il est important de laisser l'égo, les idées reçues et les quêtes personnelles de coté le temps du cours sans pour autant oublier les deux premières règles. Si malgré tout, vous sentez qu'une posture ou qu'un ajustement du professeur peuvent vous être néfastes car "c'est déjà assez intense comme ça", faites-en lui part avec respect et sans attendre. Si celui-ci insiste malgré tout, n'oubliez pas que de vous deux, c'est vous qui possédez la décision finale. Le travail des postures est un discours entre votre esprit et votre corps. Le professeur est simplement là pour vous donner des sujets de conversation et non pas pour forcer le débat.
Personne ne connaitra jamais mieux votre corps que vous même et surtout: personne n'a le pouvoir de ressentir vos sensations.
Conclusion Soyons des peintres. Utilisons les alignements comme des toiles et des premières esquisses et peignons avec trois principaux pinceaux: la connaissance de notre corps, le respect de soi et la curiosité.
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