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L'Ego et l'identification

L'ego, cette composante complexe de notre identité, régulièrement confondue avec le moi-profond, est souvent décrit comme la partie de la personnalité qui est consciente d’elle-même et qui cherche à maintenir une image positive de soi. Il est lié à la perception que nous avons de nous-mêmes et à la manière dont nous voulons être perçus par les autres. L'ego joue un rôle important dans la construction de l'identité individuelle et dans la manière dont nous interagissons avec le monde qui nous entoure.


Ego - blog Alex Blake Yoga

On retrouve ce principe dans la philosophie du Samkhya et, par la suite, dans celle du yoga sous le terme d’« ahamkara » qui désigne le concept d’individualité, et la création et conscience du Moi. Cet ahaṃkāra y est perçu comme une des principales sources de souffrance en raison de sa création d'une perception de soi différente de notre moi-profond.


Associée à māyā, l'illusion qui voile l’ultime réalité, et à Avidyā, l'ignorance de notre véritable nature, cette fausse identification à l'ego et aux possessions matérielles nous éloigne de notre véritable essence, Puruṣa, la conscience pure.


La libération, ou mokṣa, est atteinte dans ces traditions philosophiques par transcendance de l'ego, levant ainsi le voile de māyā et en dissipant définitivement Avidyā. Dans cette perspective, une partie du cheminement spirituel et méditatif peut impliquer un dépassement temporaire de l'ego, en trouvant en nous la capacité d’observer nos propres pensées, émotions et comportements de manière détachée.



LA QUÈTE D’IDENTITÉ

L'ego émerge de la nécessité instinctive de l'individu de définir son existence dans le monde. Il se forme à travers l'accumulation d'expériences, de relations, et de rôles sociaux. Dès les premiers moments de notre vie, nous sommes confrontés à la nécessité de nous définir dans le contexte de notre environnement. Notre besoin inné d'appartenance et de reconnaissance nous pousse à élaborer une identité qui nous distingue des autres. C'est ainsi que naît le germe de l'ego, alimenté par nos expériences, nos interactions sociales, et notre compréhension croissante du monde.


Au fil du temps, notre identité devient une composition complexe de status sociaux, de relations, de réussites, et de revers. L'ego se forme à travers l'accumulation de ces éléments, créant une image de soi qui est à la fois influencée par les circonstances extérieures et intégrée dans le tissu de notre être intérieur.



L’EGO ET LES SYSTÈMES DES TROIS CORPS ET DES KOSHAS

Il existe dans la philosophie indienne, et plus particulièrement dans le Vedanta, la doctrine dite des trois corps (Sharira traya), qui explique qu’à cause de l’ignorance (avidya), ont émané du Brahman les images de trois plans qui vont constituer le Jīva (le principe vital ou être vivant). L’Advaita Vedanta à la philosophie non dualiste explique que la libération par la véritable connaissance peut être obtenue par l’étude de soi, la compréhension des trois corps et la désidentification à ces derniers : Sthula sharira, le corps grossier ou le corps mortel physique et matériel qui mange, respire et bouge ; Sukshma sharira, le corps subtil (ou astral) ou le corps du mental et des énergies vitales ; Karana sharira, le corps causal, qui correspond à la dimension spirituelle au-delà du manifesté.


La Taittiriya Upanishad (composée autour du VIe siècle avant notre ère) va, quant à elle, décrire un autre système plus développé encore : celui des koshas. Ce n’est que bien plus tard que les grands sages feront une correspondance entre ces deux systèmes. Ces koshas, que l’on peut traduire par « gaines », « enveloppes » ou « fourreaux », sont souvent représentées pareilles à cinq (panchakośa) poupées russes qui s’emboîteraient les unes dans les autres. Elles sont les couches qui recouvrent et masquent l’atman, notre nature profonde. Parmi ces gaines se trouve Anandamaya kosha, l’enveloppe de la félicité, première couche recouvrant l’atman et début de l’ignorance (avidya). En son centre se trouve la conscience cosmique retenue (jivatman) qui, durant la période de la manifestation (période dite de vie de l’humain), se comporte comme une conscience individuelle.

                                          

Sharira & Koshas - Alex Blake Yoga


LES TROIS GUNAS

Dans les philosophies du Sāṃkhya et du yoga, une relation profonde est établie entre l'ego (ahamkara) et les trois guṇas. Dans Prakriti (la Nature primordiale ou le monde manifesté), ces trois qualités essentielles sont présentes en toutes choses. Rajas correspond à l’activité, l’énergie. Tamas s’entend ici comme l’inertie, la lourdeur. Sattva est fait quant à elle référence à l’harmonie, l’équilibre, ou encore la stabilité.


Concernant l’ahamkara, ces guṇas sont considérés comme des aspects du mental conditionné par l'ego. La pratique du yoga vise à transcender ces trois modes de la Nature pour atteindre un état de pure conscience.



IDENTIFICATION EXCESSIVE ET SOUFFRANCE

Que nous adhérions ou non à l’idée que notre ignorance vis-à-vis de la véritable nature de notre moi-profond (et par conséquence, notre confusion entre ce dernier et notre moi superficiel) soit le germe de toute souffrance, il reste toutefois facilement possible d’affirmer qu’une trop forte identification à l'ego puisse entraîner des conséquences profondes et non-souhaitables sur le bien-être mental et émotionnel.

Pour faire simple : si je m’identifie trop à mon ego et que celui-ci dépend de choses extérieurs à moi, alors la vision que j’ai de moi-même sera totalement dépendante d’éléments extérieurs et en grande partie indépendants de ma volonté.


L’ego nous pousse en effet à nous construire sur des identités, des statuts, des possessions et des relations, ce qui peut engendrer de la souffrance lorsque ces éléments sont menacés, perdus ou encore modifiés. De plus, la quête constante de validation externe conduit à une dépendance aux opinions des autres, provoquant ainsi de l’anxiété, du stress, une peur du rejet et une trop forte comparaison aux autres, capable de générer un cycle d’insatisfaction et bon nombre de schémas de Pensée limitants. Sans aller jusqu’à ces extrêmes, l’ego peut également mener à une forme d’isolement, de séparation entre « moi » et « les autres », créant des murailles plutôt que des ponts.



LA VOIE DE LA CONSCIENCE

La méditation, puissant outil d’exploration, offre une voie pour comprendre les mécanismes de l'ego et réduire notre identification à celui-ci car, très rapidement, émerge une prise de conscience cruciale : nos pensées, émotions et perceptions ne sont pas ce que nous sommes, mais des phénomènes que nous expérimentons. En observant ces phénomènes de manière détachée, il est possible de commencer à percevoir les contours de notre ego, ses désirs, ses peurs, ses jugements et ses réaction instinctives.


La distance créée par cette prise de conscience nous offre alors un espace de liberté où il est possible de ne plus automatiquement nous identifier à l'ensemble des pensées et des émotions qui nous traversent.



L'ATTACHEMENT AUX FRUITS DE L'ACTION

L'ego, dans le contexte du yoga et de la spiritualité, est souvent associé à un attachement excessif aux résultats des actions entreprises. C’est pourquoi la quête de la réalisation spirituelle implique souvent la détachement des fruits des actions et la purification de l'ego pour permettre l'expression du Soi véritable.



L'ÉVEIL SPIRITUEL ET LA DISSOLUTION DE L'EGO

Beaucoup d’enseignements spirituels expliquent que la notion d'éveil est intimement liée à celle de la dissolution de l'ego. Entendons nous bien : l’éveil n’est pas synonyme de libération, ou moksha, et ne signifie pas l'élimination complète de la personnalité, mais plutôt la transcendance de l'identification excessive à celle-ci. Être « éveillé » ne signifie pas la perte de notre individualité ou de notre capacité à fonctionner dans le monde, mais permet une présence plus authentique et un engagement plus profond avec la vie.

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